I. Le paysage blanc immaculé et l'odeur des produits de désinfection fessaient partie de ta vie. Tu as perdu le compte des jours, années passées sous ce lit d’hôpital à cause d'une maladie normalement bénigne pour le commun des mortels. Les cernes sous les yeux, la fatigue apparente, tu n'osais plus bouger. Tu te demandais la raison de cette faiblesse.
Ton père ne venait jamais voir ton état de santé, trop occuper à gagner de l'argent. Les visites de ta mère se ratifiaient jusqu'à devenir inexistant. Et lorsqu'elle venait, c'était pour pleurer à chaudes larmes. Tu ne supportais pas ça. Elle ne cessait de répéter « pourquoi ? Pourquoi ? ». Toi non plus, tu ne comprenais pas. Tu te trouvais en permanence dans ce cocon protecteur, séparer du reste monde. Tu avais envie de courir comme les autres enfants. Tu désirais ressentir la sensation de joie en effectuant une sortie en famille. Au lieu de cela, tu te retrouvais à cloîtrer tel qu'un faible prince qui devenait chaque jour solitaire.
Lorsque ta vie était hors de danger, tu sortais. Tu respirais tout l'air à ta disposition. Ce n'était pas le meilleur oxygène, mais cela ne sentait plus le désinfecter. Ta mère marchait courber derrière l'enfant agité, lassé par cette vie. Il te faudra encore un peu de temps pour comprendre la raison.
II. Un soir, tu avais du mal à trouver le sommeil. Tu te levas à moitié assoupie de ton lit en quête d'une boisson. Il fessait noir dans le couloir, mais cela ne te dérangeait pas réellement. Tu aimais beaucoup marcher dans les ténèbres. Sous ton regard ébahi, tu remarquas la lumière sous la porte de la cuisine. Tu t'en approchas tout en te demandant qui pouvait être réveillé à une heure aussi tardive. Tu t'approchas de la lumière.
- Nous n'allons pas pouvoir tenir bien longtemps à ce train. Atsuhiko nous a pris toutes nos économies. Et c'est de ta faute ! En tant que mère, tu aurais dû prévoir qu'il allait tomber malade à cause de cette pluie.
- Pardonne-moi. Je voulais faire plaisir au petit. Il m'avait supplié et me harceler de l'emmener au parc. Tu ne sais pas que c'est fatigant de l'entendre à chaque seconde braillée comme un porc.
Ta mère tordait l'échine tout en pleurant face à son mari autoritaire. Elle passait ses journées à s'occuper d'un petit garçon bruyant. Elle avait marre de t'entendre et te voir courir partout. Elle avait fini par abandonner un après-midi d'été alors que dehors, c'était nuageux. Vous êtes sortie dans une square près de la maison. Là, tu avais pu jouer avec des enfants de ton âge. Mais deux heures après, le ciel s'est assombri d'un coup et une averse s'abaissait sur le terrain. Tu étais sous la pluie pendant quelques instants, mais ça a suffi pour t'envoyer de nouveau avec les hommes en blanc.
- J'ai contacté quelqu'un qui pourrait s'occuper d'Atsuhiko. Ils m'ont promis de nous aider gratuitement après que je lui ai décrit les symptômes de notre enfant. Ils ont besoin de le voir avant de juger. Ils viendront ce week-end.
Ses dernières paroles de ton père oppressèrent ton cœur fragile. Ta mère ressentait la même sensation, car elle serra son propre cœur. Elle avait compris qu'elle avait failli à son rôle de mère.
III. On sonna à la porte. C'était un son bref et oppressant. Tu avais compris que les hommes étaient enfin venus. Tu te précipitas dans ta chambre. Tu te cachas sous ton lit, ta seule sécurité. On ne venait pas te chercher tout de suite. C'était sûrement pour la finition du contact. En réalité, tu ne le savais pas et tu ne désirais pas le savoir. Tu avais peur. Tu voulais que ta mère fasse machine arrière.
Ta chambre s'ouvrit. Des pas résonnèrent dans ta chambre. On te chercha. Soudain, l'inconnu s'arrêta au niveau de ton lit et se baissa. Il leva les draps. Il t'a trouvé.
- Sors mon petit. Tout va bien se passer. On ne va pas te faire du mal. Je suis docteur et tes parents m'ont demandé de te soigner définitivement. Allez viens ! Je te promets que tu seras guéri.
Tu as mis du temps avant de t'extirper de ta cachette. Tu avais peur de cet homme. Dans le couloir, ta mère eut un haut de cœur avant de s'approcher, les larmes aux yeux.
- Mon chéri. Ne t'inquiète pas. Ce docteur va prendre soin de toi. Et ensuite, je te promets qu'on sera de nouveau ensemble. Alors soit Sage. Fais ce qu'ils te dissent. Je t'aime, mon bébé.
Ce fut ses dernières paroles qu'elle prononça, son dernier mensonge. Elle ne te quitta pas des yeux jusqu'à ce que la porte de la maison se refermât derrière toi. Elle n'a fait aucun mouvement pour te récupérer.
IV. Cela faisait des jours, voir des années que tu te trouvais en capsule à la merci des érudits. Ils t'étudièrent durant de longues heures, mais tu ne savais pas ce qu'ils cherchaient. Tu as subi des examens. On scanna ton corps des pieds à la tête. On te demanda de faire de nombreuses actions qui n'avaient ni queue ni tête. Puis on t'éjecta des substances dont tu ne connaissais rien. On observa les résultats. Ils ne devaient pas être concluant à voir la tête de ses hommes. Si ton esprit était fatigué par ses journées aussi longues que monotone, tu finis par entendre quelque mot « la fille des Cieux », « les ailes brisées » et le mot « Réprouvé ». Les hommes finirent par se lasser de ton étude. Ils ont compris que tu n'étais pas l'un de ceux qu'ils recherchaient réellement. Ça devenait douloureux. Tu avais compris qu'on t'abandonnera aussitôt. Toi, qui ne comptais plus les heures. Toi, qui ne comptais plus les années. Tu fermas les yeux résignés. Si tu devais mourir dans ses lieux, autant le faire maintenant. Alors, tu te laissas mourir petit à petit.
V. - Comment peut-on laisser cet homme mourir de la sorte ?
Cette voix féminine réveilla ton esprit. Les yeux à moitié ouverts, tu remarquas une silhouette se penchant vers toi. Du regard, tu la supplias de te libérer de cet enfer. Son visage floué devient de plus en plus net. Tu remarquas qu'elle était belle et sévère. Elle te regarda avec dégoût. Tu as eu mal, très mal. Tu ne sais pas combien de temps tu t'es endormi dans ce lit. Tes membres engourdis par ta léthargie ne te répondaient plus.
- Ne bouges pas. Cela devait bien faire dix ans que tu es sous assistance.
Tu t'étonnas de savoir du bon dans ton existence. Dix ans. Tu as vécu pendant plus de dix ans dans un sommeil profond. Tu as dormi si longtemps que ta mère devait te croire morte. Pousser par l'adrénaline de cette découverte, tes bras te répondirent. Tu te levas sous la surprise de ton interlocutrice. Tu tombas aussitôt de ton lit. Elle bloqua le mouvement d'un homme à ses côtés. Elle semblait curieuse de connaître tes motivations. Tu te remettais debout et tu t'étonnas de constater que le sol s'était éloigné. En tournant ton visage sur le côté, tu remarquas un homme d'une maigreur semblable à celui d'un zombie. Ses longs cheveux blonds tombèrent en cascade sur son corps. On aurait dit un revenant. Et ce revenant, c'était toi. À cette découverte, ta voix résonna dans toute la pièce dans un hurlement à réveiller les morts.
VII. Le temps d'attente lors des réunions au sein de la secte durait toujours une éternité. Tu attendais patiemment que ta maîtresse sorte. Les gens marmonnés tout en observant le jeune homme au caractère calme, totalement détaché de son apparence. Soudain, la porte s'ouvrit. Des hommes sortirent les uns après les autres. Puis ce fut au tour d'Aya. Elle avait le visage crispé par la colère. Tu compris que sa demande était rejetée. Tu marchas derrière elle sans un mot jusqu'à son laboratoire. La porte aussitôt refermée, elle te frappait au visage en te rejetant la faute sur toi. Tu ne comprenais pas, comme à ton habitude. Sa forte respiration chercha le calme et la sérénité. Puis, elle se baissa et te prit dans ses bras. Elle te demanda pardon. Elle s'était prise à toi sans le vouloir. Elle se demanda de rentrer chez toi. Dans cet apparemment qu'elle avait pris soin de choisir. Tu acceptas, le cœur brisé et douloureux. Avant de partir, elle te donna la boîte contenant ta dose de médicaments. Puis alla dans l'autre pièce où son mari était pris dans son coma. Ton cœur se pinça à la vue de cette femme brisée. Tu pris ta dose de médicaments et tu la laissas seule. Tu ne savais pas comment la réconforter dans cette situation.
* * *
Tu ouvris la porte de ton logis. Il fessait sombre avec ses épais rideaux. Mais cela ne te dérangeait pas. Tu sortis de ton frigo un lait à la fraise et tu le bus, allongé sur ton lit. Tu vivais dans un petit studio composé uniquement d'une table et d'une chaise. Un fauteuil te servait de lit durant la nuit. Tu étais fatigué, tu en avais marre de cette vie. Mais tu attendais qu'Aya t'appelle et te donne les prochaines instructions. Ton amour et la douleur pour cette femme étaient anesthésiés grâce ta prise de drogue quelques heures auparavant. Tu fermas lentement les yeux, oubliant que tu étais en train de boire. Et tu t'endormis profondément dans un sommeil sans rêve.